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Certains devraient se taire

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Il en est des chroniques dans Les Échos comme des chasseurs : il y a les bons… et les autres.


En rattrapant mes lectures, je tombe sur celle de Marlène Schiappa (https://bit.ly/3KaDh4v). Et là, franchement, les bras m’en tombent. Je ne l’ai jamais rangée dans la catégorie “experts en gestion de crise”. Après lecture, je n’ai pas trouvé de raison de réviser mon jugement.


Et pourtant, même surpris par le thème de sa chronique, je trouvais que tout ce qui peut sensibiliser les dirigeants à ces enjeux réputationnels pouvait être le bienvenu.

Mais là, on est dans le contre-message total ! 


Pour résumer “l’enseignement” de Marlène Schiappa : selon elle, en temps de crise, une bonne stratégie de communication doit adopter … le silence avant toute chose. Pour elle, dans un tel cas, le silence peut être une stratégie efficace. Et de citer à l’appui de sa démonstration le style sobre et discret de Sébastien Lecornu, perçu positivement, à la surcommunication de Frédéric Merlin qui amplifie la polémique autour du BHV en se faisant le porte-parole de Shein. 


Qu'en dire au final ? 


  • les exemples évoqués ne démontrent absolument rien. Sébastien Lecornu n’est pas dans une situation de crise. Il a simplement compris que “c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule” (titre d’un film culte de 1975), devenu le mantra des politiques de tout poil, desservait la politique et la rendait inaudible. De la même façon, à bien lire les articles sur le BHV, j’ai plutôt l’impression que la stratégie de prise de parole de Frédéric Merlin vise surtout à éviter de médiatiser un vrai sujet (une vraie crise), celle des défauts de paiement. C’est au passage la raison invoquée par les innombrables sociétés qui quittent le BHV actuellement. Ce n’est pas l’arrivée de Shein qui les gêne, c’est de ne pas être payées depuis des mois.


  • À l'heure des réseaux sociaux, le silence n’est plus une stratégie. Saint François de Sales, connu pour sa phrase très appréciée des groupes familiaux (le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien) est devenu un mauvais conseiller. Il est évident que, et Marlène Schiappa l’évoque, il ne faut pas être atteint d’incontinence communicationnelle, en parlant à tort et à travers, en occupant les média et les réseaux sans retenue. Mais imaginer se retirer sur son Aventin pour observer la situation en cas de crise est une erreur, pire une faute.


  • Si vous restez muet, vous laissez croire que vous avez quelque chose à cacher et que la crise appuie là où cela fait mal pour vous. Enseignant en communication de crise, j’explique à mes étudiants que le secret d’une gestion de crise, c’est de garder (autant que faire se peut) la main sur le narratif et sur le tempo. Si vous restez silencieux, vous laissez à d’autres le soin de se saisir de ces 2 piliers de la crise. Dans un tel cas, vous avez déjà perdu et vous subirez les vagues successives sans pouvoir influer dessus. 


  • Intégrer dans une stratégie de réponse lors d’une crise, le silence est un acte de communication. Marlène Schiappa a raison quand elle écrit, “ comme en musique, en communication de crise, le silence est un temps”. Mais comme en musique, le silence fait partie d’une composition, d’une partition et il ne viendrait à l’esprit d’aucun musicien de commencer sa symphonie par … un silence. Le silence, oui bien sûr, mais quand l’entreprise a clairement exprimé sa position, donc réagi à la crise.


  • La première chose à mettre en œuvre dans une crise, c’est le courage. Barbara Streisand / Marlène Schiappa, même combat ? La position de notre ancienne ministre reconvertie en “consultante en communication auprès des leaders d’aujourd’hui et de demain” (base-line de l’agence Tilder pour laquelle elle travaille désormais) semble accréditer la marotte très en vogue chez certains communicants, il faut à tout prix éviter l’effet Barbara Streisand. Outre que cela est toujours plus subtil que cela, je reste persuadé que la gestion de la crise c’est de regarder la situation avec courage et de parler quand il le faut, pas de se taire. 


En résumé, je souris à une phrase de la chronique de Marlène Schiappa. “Les personnalités qui comprennent (de se taire) sont rares, les communicants qui savent les convaincre de se taire, tout autant.”. Sa chronique démontre qu’elle ne fait pas partie de ces personnalités et qu'elle ne travaille pas avec les bons communicants.

 
 
 

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