Il y avait quelqu'un pour sauver la Première Dame
- veraneventoux
- 13 déc.
- 4 min de lecture

Quand une phrase volée devient une crise mondiale de communication, il est toujours utile d'en tirer quelques enseignements.
Il y a quelques jours, la presse et l’écosystème médiatique se sont embrasés autour de propos captés de Brigitte Macron à l’acteur Ary Abittan. Des propos dans lesquels elle qualifiait de « sales connes » des militantes féministes venues, la veille, perturber un spectacle, tout en les menaçant de les faire sortir si elles revenaient.

Ces militantes accusent Ary Abittan de viol.
Ce n’est pas ici le lieu de trancher :
ni sur le fond de cette affaire judiciaire, close par deux décisions de justice,
ni sur la légitimité de la poursuite de telles actions militantes malgré ces décisions,
ni même sur le caractère plus ou moins approprié du vocabulaire employé par la Première dame, ancienne professeure de français.
En revanche, cet épisode — dont l’écho est allé jusqu’à la presse internationale — constitue un cas d’école de communication de crise.
Ayant moi-même été confronté à la gestion de crises médiatiques, plusieurs enseignements me semblent particulièrement instructifs.
1️⃣ Tous les ingrédients étaient réunis pour une amplification maximale
D’abord, les protagonistes et la cause ont mécaniquement décuplé l’impact.
D’un côté, Brigitte Macron, épouse du président de la République. De l’autre, Ary Abittan, figure publique au cœur d’une polémique persistante. Ajoutez à cela :
un vocabulaire volontairement brutal,
un sujet hautement inflammable (violences sexuelles, féminisme, justice),
des images captées hors cadre officiel,
… et vous obtenez un cocktail idéal pour les réseaux sociaux.
Autre point clé, souvent sous-estimé : le fait que ces propos aient été tenus par une femme constitue, paradoxalement, un facteur atténuant. Prononcés par un homme, ces mots auraient sans doute provoqué une crise bien plus profonde, plus durable et plus instrumentalisée.
Enfin, la dimension des « propos volés », par opposition à une déclaration publique, renforce l’attrait : le sentiment de dévoiler un « off », un secret, reste l’un des moteurs les plus puissants de viralité.
2️⃣ Une gestion de crise rigoureuse… et assumée
Que retenir de la stratégie adoptée côté Brigitte Macron (à part que ses communicants ont plutôt bien fait le boulot pour la protéger) ?
Faire face, sans reculer. À aucun moment, elle n’a renié ses propos. Aucune excuse, malgré les pressions répétées de mouvements féministes. À mon sens, ce courage est un choix pertinent : toute reculade aurait nourri la polémique et prolongé artificiellement la crise.
Fixer des éléments de langage clairs… et s’y tenir. Dès les premières heures, une ligne argumentative cohérente s’est imposée, martelée avec constance — sans que Brigitte Macron ne s’exprime directement.
On a ainsi vu émerger quatre axes principaux :
Il s’agit de propos privés, captés et diffusés sans consentement.
La justice s’est prononcée : non-lieu en première instance, confirmé en appel.
Les associations concernées poursuivent leurs actions de perturbation, alors qu’elles ont été discrètes lorsque Brigitte Macron elle-même a été violemment attaquée sur son sexe ou son âge.
Les propos visaient une méthode militante radicale, non une remise en cause de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Ces éléments visent à contextualiser à la fois la virulence du ton… et le refus de se rétracter.
S’appuyer sur des alliés pour porter la riposte. Classique, mais redoutablement efficace. La défense s’est construite via des tiers : la porte-parole du gouvernement, mais aussi — plus surprenant — des figures issues de la droite d’opposition. Tous ont repris, quasi mot pour mot, les mêmes arguments. À noter toutefois : la discrétion remarquable du parti présidentiel.
3️⃣ Des effets collatéraux… favorables
Malgré le tollé (relayé sur les cinq continents) et la création du hashtag #JeSuisUneSaleConne, massivement repris par des femmes célèbres ou anonymes, cette stratégie a produit deux effets notables au bénéfice de Brigitte Macron.
D’abord, faute de pouvoir la faire réagir, les associations féministes ont déplacé le débat : de l’épisode initial (les happenings dans les spectacles d’Ary Abittan) vers des fronts plus larges et plus politiques :
insulte faite à toutes les femmes,
remise en cause de l’engagement présidentiel contre les violences,
accusations concernant la fondation Pièces Jaunes,
attaques personnelles sur sa vie conjugale et la différence d’âge avec le président.
Ensuite, et de façon assez ironique, l’affaire a remis en pleine lumière Ary Abittan lui-même. Ont ainsi refait surface :
des extraits du rapport médical lié aux procédures classées sans suite,
une séquence télévisée ancienne montrant un comportement stupide et agressif envers Laury Thilleman.

Ces images, accueillies à l’époque par des éclats de rire du public et des invités en plateau, rappellent combien le regard collectif a évolué — et combien certaines attitudes, jadis jugées "drôles", ne le sont plus aujourd'hui. Ary Abittan aura, d'une certaine façon, sauvé la Première Dame en re-détournant la crise sur lui. Et il est probable que l’acteur n’en ait pas fini avec son passé.
🎯 Conclusion
À court terme, la stratégie de protection de Brigitte Macron a fonctionné. Elle est sortie de la «lessiveuse» médiatico-digitale grâce à une posture mêlant :
fermeté/courage,
cohérence,
relais par des tiers,
et silence personnel maîtrisé.
Pour autant, à moyen terme, il lui faudra sans doute reprendre l’initiative. Ne pas laisser cette séquence s’installer durablement dans son image publique. Et se préparer, aussi, à réentendre encore longtemps ce verbatim devenu slogan : « Je suis une sale conne ».




Commentaires